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Dans la lignée de Jean Eudes,
Amélie Fristel et sa Congrégation.

Les Sœurs des Saints Cœurs de Jésus et de Marie ont été fondées par Amélie Fristel à St-Malo (France), en 1853.  Amélie Fristel était membre d’une sorte de Tiers-Ordre fondé par saint Jean Eudes 200 ans plus tôt.  Elle était donc imbue de la spiritualité de Jean Eudes (revenir sur les chroniques précédentes, si on en sent le besoin, pour mieux comprendre ce qui suit).

Rappelons quand même ici les lignes de force de cette spiritualité, en particulier ce qu’en a surtout retenu Amélie Fristel :

CHRONIQUES SPIRITUELLES

Qu'est-ce que la spiritualité?
Grandes lignes de la spiritualité contemporaine
Les Écoles de spiritualité
L'École Française de spiritualité
La spiritualité de l'École française est une spiritualité de l'Incarnation
Le Baptême à la lumière de la spiritualité École française
L'appel à la mission
La spiritualité du Cœur
La démarche eudiste, une démarche collée à la vie
Dans la lignée de Jean Eudes,
Amélie Fristel et sa Congrégation
Dans la lignée de Jean Eudes (la suite)
Amélie Fristel et nous aujourd'hui

  • C’est par l’image du cœur que Jean Eudes nous présente Jésus comme il le perçoit.  Le Cœur de Jésus est non seulement le modèle de l’amour auquel on est appelés, mais Il est le «Supplément» à nos faiblesses et à notre incapacité d’aimer en vérité Dieu et nos frères et sœurs. 
      
  • Le Cœur de Marie ne fait qu’un avec celui de Jésus.  Ne séparons pas ce que Dieu a uni!...   Nul mieux que Marie ne peut nous introduire à Jésus!

  • Amélie Fristel a voulu, pour sa Congrégation, le nom de Sœurs des Saints Cœurs de Jésus et de Marie.  Elle aimait dire que ces Cœurs sont  «le code de notre vie spirituelle», autrement dit notre règle de vie. 

  • C’est le baptême qui nous branche sur Jésus.  Ce « contrat de l’homme avec Dieu », comme dit Jean Eudes, engage toute notre vie qui appartient au Christ et doit être consacrée à sa gloire…  Le baptisé est appelé à être « un autre Jésus en la terre »… à être ses yeux, ses oreilles, ses mains, ses pieds, son Cœur… à en arriver à pouvoir dire avec saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est Jésus qui vit en moi ».  

  • C’est l’Esprit seul qui peut former Jésus en nous comme Il l’a formé en Marie.  Nous devons donc « nous laisser à l’Esprit »…  C’est Lui qui nous introduira dans la contemplation de « l’Amour jailli du Cœur de Dieu qui a pris corps en Jésus-Christ »… C’est Lui qui nous rendra capable d’aimer à notre tour… Jean Eudes nous invite à pénétrer dans l'intérieur de Jésus pour le contempler et nous modeler sur Lui dans sa façon d'aimer le Père et d'aimer nos frères et sœurs, surtout les petits et les pauvres.  On devient peu à peu ce que l'on contemple.

La Fondatrice , Amélie Fristel - sa spiritualité.

Un livre de Giono: «L’homme qui plantait des arbres» est comme une parabole qui traduit merveilleusement ce qu’a été Amélie Fristel.  Sa mission, Amélie Fristel l’a vécue un peu à la manière de cet «homme qui plantait des arbres».  Les deux histoires, côte à côte, permettront de voir un peu mieux ce qu’est une spiritualité... et de vous en proposer une accessible et bien accordée aux temps qui sont les nôtres.  Cette histoire reflète bien, sous plus d’un aspect, la personnalité et la spiritualité d’Amélie Fristel.

Alors qu’il était un jeune homme, raconte Giono, sa promenade l’amena plus loin que prévu et il lui fallait absolument trouver un gîte pour la nuit.  Il aperçut tout à coup un berger qui offrit de l’héberger.  À la veillée, le berger sortit d’un sac une grande quantité de glands.  Il mettait de côté, par tas de 10, les plus beaux glands que, le lendemain, il allait planter: une centaine par jour.  Cela durait depuis 3 ans.  Il en avait planté 100 000; 20 000 étaient sortis; sur les 20 000, il comptait encore en perdre la moitié, du fait des rongeurs ou des intempéries.  Restaient 10 000 chênes qui allaient pousser dans cet endroit où il n’y avait rien auparavant.  Et, ajoute Giono: «Quand on voyait ces étendues sorties des mains et de l’âme de cet homme, on comprenait la portée des petits gestes.»

C’est une belle image d’Amélie.  Dans son histoire comme dans celle d’Elzéar Bouffier (c’est le nom du berger de Giono), on ressent bien que l’intériorité est le pré-requis de toute spiritualité.  C’est là que se dessine «la vision»... que l’on entrevoit tout à coup, confusément parfois, très clairement dans d’autres cas, la mission à laquelle le Seigneur semble nous destiner... C’est là aussi que se préparent les plus belles réponses à apporter aux appels entendus...  Le berger de l’histoire avait longuement regardé et réfléchi avant que ne se dessine sa vision, son projet... de même pour Amélie Fristel.

Il me semble voir Amélie Fristel comme une femme très «intérieure» – tout comme l’était «l’homme qui plantait des arbres».  L’intériorité, c’est notre manière d’être présents-es à ce que vit notre cœur profond.  C’est aussi une manière d’être dans le monde.  On ne vit pas de l’intériorité en sortant de quoi que ce soit, mais en pénétrant au cœur de la réalité.  L’intériorité se vit au cœur de la vie...  L’intériorité, c’est pour les gens occupés.

Pour ce qui concerne Amélie Fristel, on a dit d’elle que «le modèle posa continuellement devant ses yeux...»  C’est un peu cela aussi qu’a voulu exprimer son premier biographe, Victor Ponphily: «La vie d’Amélie Fristel fut une vie cachée en Dieu, mais précisément parce qu’elle s’absorba dans l’union avec la divine Lumière, elle en fut comme toute pénétrée d’un rayonnement doux, paisible et fort, qui lui fit accomplir humblement de grandes choses». 

L’intériorité se vit dans l’attention, la «présence».  On pourrait en effet traduire cette attitude intérieure, comme l’a vécue Amélie, par les mots «attention», «présence».  Une de ses phrases-clés nous invite à «tenir constamment nos yeux fixés sur la main de notre adorable Maître pour agir à son moindre signe...»  Amélie voyait bien l’importance de «faire attention» (comme on pourrait dire : faire plaisir, faire la paix...), d’ «être présent-e», si l’on veut reconnaître le Seigneur quand Il passe, comprendre ses signes, voir se lever le Soleil...  Faire attention, donc, à la nature, à nos proches, à nos moins proches, aux situations, aux événements...  Être intensément présent-e à tout ce qu’on vit...  Être présent-e, même au sens le plus fort du terme, vivre présents-es au moment présent...

Et, pour faire attention, il ne faut pas nous suffire à nous-mêmes; il faut au contraire reconnaître que quelque chose est digne d’attention.  Alors nous éprouvons la nécessité de nous vider de ce qui encombre trop l’espace intérieur, de faire de la place pour pouvoir accueillir ce quelque chose ou ce quelqu’un qui s’offre à nous afin de nous mener peut-être plus loin que nous n’aurions pensé. Ainsi, l’attention est l’acte volontaire préparant l’ouverture du cœur.  Le «faire attention» est l’apanage de ceux et celles qui aiment; ne dit-on pas qu’ils sont pleins d’attentions (au pluriel, mais aussi au singulier)?...

L’attention, la présence aux choses, aux êtres sont, me semble-t-il, des chemins de l’attention à Dieu et mènent à la voie royale de la liberté...  «La prière est la plénitude de l’attention», ai-je lu quelque part...  Savoir s’arrêter, savoir contempler, savoir s’émerveiller...  Je crois bien que la proximité de la mer a prédisposé Amélie Fristel à la contemplation; elle y prédispose toujours!...  La dévotion aux Cœurs de Jésus et de Marie telle que Jean Eudes l’a proposée nous met en face de l’Amour sans nom de Dieu pour nous, et l’action de grâce (rendre la grâce reçue) nous amène à traduire aux autres cet Amour pour qu’ils s’en émerveillent à leur tour. 

Je voudrais m’attarder encore  un peu sur la spiritualité de Jean Eudes qui a nourri Amélie Fristel et marqué fortement sa Congrégation.  Jean Eudes a été reconnu dans l’Église universelle comme «docteur et apôtre des Saints Cœurs.»  Le signe du cœur conserve aujourd’hui encore son pouvoir d’évocation.  Le cœur symbolise l’amour.  Le mot «cœur» symbolise aussi l’intériorité : «cœur à cœur», dit-on.

La dévotion au Sacré Cœur nous fait pénétrer dans l’intérieur de Jésus pour le contempler afin de nous modeler sur Lui dans sa façon d’aimer le Père et d’aimer ses frères et sœurs, surtout les petits et les pauvres...  Contempler «l’Amour jailli du Cœur de Dieu qui a pris corps en Jésus-Christ», et devenir peu à peu ce que l’on contemple!...

Le Cœur de Jésus est non seulement le modèle de l’amour auquel on est appelés, mais Il est le «Supplément» à notre incapacité fondamentale d’aimer en vérité.  Comme le disait Jean Eudes : «Le Cœur de Jésus est devenu le vôtre puisque Dieu vous l’a donné.  C’est par cet adorable Cœur qu’il faut aimer Dieu et vos frères.»

Vivre la dévotion aux Cœurs de Jésus et de Marie (ne séparons pas ce que Dieu a uni!...), c’est rendre visible, à travers nos façons d’être et d’agir, l’Amour infini de Dieu manifesté en Jésus.  Pour emprunter une expression que Jean Eudes affectionnait : «Nous avons à être d’autres Jésus en la terre».  

La spiritualité d’Amélie Fristel a donc été une spiritualité de l’amour.  La dernière biographie d’Amélie Fristel est intitulée: La passion de la charité.  Amélie Fristel a été une «femme de cœur...  de Cœur!...  C’est comme dans un même mouvement qu’Amélie Fristel a vécu contemplation et manifestation de l’amour.  Elle était habitée et reliée.  C’est de la brûlure intérieure du Cœur de notre Dieu qu’elle a pris son feu intérieur et voulu être, pour son entourage, le Cœur de Dieu.

«Sa passion dominante», écrivait Mère M.-Thérèse, sa nièce, «était la charité...  Sans cesse elle se disait : Il y a des malheureux qui souffrent et tu ne voles pas à leur secours!  Tu peux rester tranquille et ne pas tendre la main à Jésus qui souffre dans la personne de ces malheureux!»

Et, dans le Décret d’héroïcité des vertus (Rome, 15 mai 1976), on peut lire : «Il n’y eut aucune forme de souffrance du prochain qu’elle ne secourût avec efficacité; aucun besoin auquel ne s’ouvrît son cœur; aucune douleur qu’elle n’essayât de soulager selon son pouvoir; aucune infirmité spirituelle ou corporelle qu’elle ne tâchât de guérir; elle allait à la recherche des plus petits de ses frères dans le Christ.»

Amélie Fristel a été à la fois femme de compassion, de communion, de réconciliation.  Ce fut une constante de sa vie que ce souci de créer des liens... faire que les personnes soient bien entre elles... mettent au service les unes des autres leurs talents divers... vivent en harmonie...

Encore inspirée par le récit de Giono, je vois chez Amélie comme chez «L’homme qui plantait des arbres», une grande capacité d’adaptation aux besoins du temps, du milieu:

-- L’homme de Giono était berger.  Mais il jugea bon, à un moment donné, de remplacer les moutons par des abeilles... parce que les moutons mangeaient les pousses!...

-- Il s’aperçut, quelque temps plus tard, que les hêtres et les bouleaux produiraient aussi très bien, mais son essai avec les érables s’avéra un échec...

Chez Amélie Fristel, on n’a qu’à se rappeler son passage à la création d’un Bureau de charité qu’elle devrait ensuite confier à d’autres, ayant obtenu le «grand jardin» de ses rêves... l’appel de l’évêque, à peine l’oeuvre des vieillards «assise», à l’oeuvre de l’enseignement... les lois anticongréganistes qui amèneront ses filles à essaimer et qui leur feront accepter les travaux ménagers comme façon de collaborer à l’éducation et à la pastorale dans un travail de second plan...

L’attention au temps, au milieu rend créatif.   «La compassion a rendu Amélie ingénieuse», constatait Ponphily, son premier biographe.  Elle s’est, en effet, révélé un vrai génie inventif.  Un besoin perçu par elle suscite sans tarder une réponse. Amélie Fristel était très conscientisée, pour employer un mot que son temps ne connaissait pas: elle voyait les besoins et entrevoyait aussitôt des amorces de solutions.

Elle croyait que ce sont les petits gestes humbles et continus qui sont efficaces...  Elle était «femme du quotidien».  Si elle avait été poète, elle aurait volontiers repris à son compte les vers de Verlaine: «La vie humble, aux travaux ennuyeux et faciles est une oeuvre de choix qui veut beaucoup d’amour.»  Elle a fait simplement les grandes choses de sa vie, et grandement les petites choses!...  L’un de ses biographes dit d’elle: «S’arrêter auprès de chaque fauteuil, de chaque lit, aller admirer le carré de légumes du vieux jardinier ou le tricot d’une grand-mère, goûter le repas et préparer pour chacun une portion à son goût, en sachant que celui-ci préfère le gras, et cet autre, le maigre, offrir à chaque occasion de fête «une petite régalade» comme elle aimait le dire, voilà mille signes d’un amour des pauvres qui n’est pas accomplissement d’un devoir pesant, mais langage de l’affection.»  (Venard, p. 158).

Quand Édith Stein (une Carmélite allemande) a été béatifiée, on a posé à la prieure d’un monastère où elle avait vécu la question suivante: 

-- En quoi Édith Stein se distinguait-elle?

-- Elle ne se distinguait pas, a-t-elle répondu.

On pourrait en dire autant d’Amélie Fristel.

(La suite)

Sr Lise Plante, ss.cc.j.m.
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